Les Congrès du PCC sont avant tout un outil de communication
Avec le temps, les Congrès du parti communiste chinois sont devenus le lieu et le temps des annonces à grands renforts de communiqués de presse du parti, saluant les promotions de ses membres. C’est avant tout de la communication et du cérémonial.
Ils rendent compte, partiellement, de décisions prises plusieurs mois voire plusieurs années auparavant, en les inscrivant dans les textes du parti. Si nous prenons comme source d’information ce qu’il ressort des Congrès, nous payons le prix fort en découvrant avec un décalage important certaines orientations politiques et stratégiques majeures qui nous apparaissent alors comme des « surprises » ou des inflexions politiques nouvelles, alors qu’elles sont déjà mises en œuvre depuis un certain temps.
De plus nous ne sommes pas à l’abri d’erreur d’interprétation car leur résumé dans les médias locaux est sous contrôle du même parti communiste. C’est la double peine : les spin doctors du parti nous présentent comme neuf ce qui est ancien et déjà acté, et détournent notre attention sur l’image et non la substance, sur l’accessoire au détriment de ce qui est structurel et principal.
Les dirigeants chinois ne sont pas des politiciens
Ce qui devrait retenir notre attention est ce qui se passe en Chine, entre deux Congrès du parti.
A commencer par les nominations au sein du leadership chinois, qui retiennent notre attention à l’occasion des coups de projecteurs des médias officiels autour des Congrès du parti, mais dont le processus est continu. Il faut 5 à 10 ans pour promouvoir et adouber un haut cadre du parti dans les plus hautes sphères. Les décisions présidant à sa promotion ne se prennent pas sous les chaleurs de l’été d’une station balnéaire, fût-t-elle villégiature historique des caciques du parti (Beidaihe).
Pour ce qui concerne le 3ème mandat de Xi Jinping à la tête du parti communiste et de l’Etat, il a été validé lors….du dernier Congrès du parti, le 19ème, au mois d’octobre 2017, puis annoncé le 11 mars 2018 lors d’une autre réunion : l’Assemblée Nationale Populaire (ANP). La prochaine en date se tiendra au mois de mars 2023, et annoncera un paquet de décisions individuelles et d’orientations, prises avant ce 20ème Congrès.
Le prêt à penser des Congrès : les nominations de dirigeants et les formules-valise
Le XXème Congrès, comme les précédents, est une réunion secrète du parti, pour le parti. Rien de stratégique ne filtrera. En revanche, on nous fournira davantage d’éléments de langage sur le processus de désignation et des commentaires sur la cote de tel ou tel dirigeant.
Or, en Chine, c’est l’alignement à la ligne du parti qui détermine le succès de la promotion d’un dirigeant, pas le dirigeant qui fait la ligne. La « ligne » du parti, par définition unique en Chine, est un difficile et long accouchement idéologique et politique où l’individu n’est rien.
S’il existe bien un culte de la personnalité de Xi Jinping, il est le produit d’un travail collectif de dizaines d’idéologues qui revendiqueront leur bout de paternité et dont ils tireront une part de gloire personnelle, vite ravalée et mise au crédit du parti tout entier, règle de collégialité oblige.
Une des conséquences de tout cela est que les Congrès du parti sont devenus un miroir aux alouettes derrière lequel se joue la vraie partition stratégique chinoise.
Plus notre attention est orientée sur les nominations , moins nous comprenons le fonctionnement même du régime, et de ses stratégies. Les « temps forts » que l’on nous fabrique expressément nous aveuglent par leur intensité, pour mieux nous replonger dans le noir une fois terminés.
Un suivi en continu du modèle chinois, et non au gré des coups de projecteurs de Pékin
Si nous suivions, en continu, l’évolution politique et stratégique de la Chine et non en fonction des levers de rideau du parti sous leur puissants projecteurs, nous ne serions pas « surpris » par ce qui nous apparait comme un fait nouveau.
La formule de la « prospérité commune » constitue un bon exemple en la matière. Aux côtés d’autres, il captera la lumière durant les longues journées du 20ème Congrès, alors qu’il a été simplement excavé des textes de feu Deng Xiaoping pour légitimer une volonté afficher de résorption des inégalités sociales et économiques qui se sont creusées durant les 40 années des « réformes » chinoises, et plus particulièrement depuis leur accélération en 1992 .
Aujourd’hui, la Chine est, avec les Etats-Unis, l’un des pays dans lequel les disparités et les accumulations de richesse sont les plus importantes au monde. Cette expression ne vaut pas toute l’encre couchée. La Chine n’a pas le choix de sa politique économique. Alors elle l’auto-justifie en l’anoblissant.
Si l’on opérait collectivement un suivi continu de ses stratégies politiques et industrielles, nous n’aurions pas été surpris non plus par l’annonce, en 2015, de son plan Made in China 2025, qui se présente en réalité, comme une mise en forme, maladroite au demeurant, des orientations prises dès…2008, sous la présidence de Hu Jintao et qui avaient déjà identifié les 10 secteurs industriels d’avenir pour la Chine. A l’époque de leur annonce, en 2010, peu d’observateurs les avaient prises au sérieux. Et pour cause, elles ne figuraient pas dans les communiqués de presse des grands événements du parti.
L’économie chinoise n’est pas une économie de marché
Si l’on se focalisait moins sur les Congrès du parti, nous pourrions davantage consacrer de nos efforts à remonter la chaine du processus de fabrication des politiques pour identifier ce qui relève des « réformes » de ce qui relève de l’affirmation d’un modèle différent.
En 2003, on disait du prédécesseur de Wen Jiabao, ex-premier ministre, qu’il était un libéral. Avec Li Keqiang, son successeur en 2013, on dit encore aujourd’hui la même chose. Pourtant, l’économie chinoise n’a jamais été aussi administrée et autant sous contrôle du parti communiste qu’aujourd’hui, s’invitant dans toutes les entreprises, y compris les entreprises étrangères. L’on continue, pourtant, de voir dans les prétendants à sa succession ( pour les parieurs : Hu Chunhua ? Wang Yang ?), de possibles libéraux…
L’une des raisons à cela est que nous avons pris au pied de la lettre une méta-formule-valise du régime et ce depuis sa diffusion en Chine et partout dans le monde dès 1978 : les « réformes et l’ouverture».
En français, comme dans quasiment toutes les langues, une « réforme » est connotée positivement. On réforme vers le bien et pour le bien, alors que ne figurent nulle part, a priori, sa trajectoire ni ses objectifs réels.
Le malentendu sur la signification des réformes économiques de la Chine a eu la dent dure pour ce qui concerne la réforme des entreprises et du secteur d’Etat en Chine que l’on pensait naturellement aller… vers moins d’Etat. Si l’on lit les communiqués de presse du parti et ses subsides, l’économie chinoise aujourd’hui obéit aux forces du marché, tout comme la nôtre.
Un pas de géant sera fait dans la compréhension des stratégies politiques et économiques de la Chine de Xi Jinping, 20ème Congrès compris lorsqu’il sera compris que l’économie chinoise n’est pas une économie de marché. Cette réalité doit devenir le point de départ de notre réflexion et de notre positionnement dans notre relation avec la Chine.