Après Washington, Beijing lance une nouvelle guerre froide, aux caractéristiques chinoises.
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Le 19 mars 2021, le sommet d’Anchorage en Alaska, qui réunissait le gratin de la diplomatie américaine et chinoise, était censé mettre tous les sujets sur la table à l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. Ce qui fut fait dans un climat de tension extrême.
L’objectif de part et d’autre était plus trivialement de se placer en « position de force », du moins de ne pas apparaître en position de faiblesse. Pour la nouvelle administration américaine, être « soft » vis-à-vis de la Chine portait de mêmes conséquences politiques que durant les relations avec l’Union Soviétique.
Côté chinois, Xi Jinping ne pouvait se permettre non plus, à trois mois de la célébration du centenaire du parti communiste chinois et à 18 mois de sa réélection interne pour un nouveau mandat de Secrétaire général, de faire perdre la face à son pays. Beijing avait attendu jusqu’à la dernière minute que Joe Biden « raisonne » une partie de son camp, y compris au Congrès, pour mettre un terme à la politique « anti-chinoise » de D. Trump.
En lieu et place, Washington mettait déjà en application une stratégie différente mais qui ne laissait aucun doute sur sa volonté de faire face frontalement à son principal rival, comme durant la guerre froide, entrainant l’URSS à la banqueroute.
L’idée américaine est simple : faire accepter que les deux super puissances se livrent à une « compétition intense », et ainsi rejouer une même course poursuite dans laquelle les stratèges américains estiment pouvoir prendre l’ascendant.
Pour Beijing, même calcul et même conclusion. La réussite de la Chine de ses 40 dernières années à consisté à éviter les « terrains de jeu », jouant sur l’asymétrie de l’information, des règles partiellement suivies ou non suivies grâce à une panoplie complète de dissimulation. Accepter d’autres termes de référence que les siens à cet instant crucial de la relation l’aurait poussée à transformer son fonctionnement et son rapport au monde extérieur. Beijing avait déjà décliné cette proposition américaine sous Trump, jugée insincère, et mortifère.
En février 2012, Xi Jinping effectua un déplacement aux Etats-Unis en qualité de vice-président. Bien qu’il fût désigné n°1 chinois publiquement à l’automne qui suivit, son accession aux postes de Président et de Secrétaire général du PCC était fléchée depuis plusieurs années déjà. Il en profita pour signifier à ses hôtes sa conception des relations sino-américaines, entre « grandes puissances », qui devaient donner le la à toutes les autres relations interétatiques. Elle échoua avec les Etats-Unis mais fut développée, par contournement, avec les autres puissances et partenaires étrangers.
Entre 2012 et 2022, une doctrine de politique extérieure se développa dans les cercles civils et militaires du régime, prenant en compte tous les événements majeurs de cette période (dont l’épidémie de SRAS 2- Covid-19, guerre en Ukraine…) ce qui constitue une véritable prouesse dialectique pour rendre le tout « cohérent » et inattaquable. Seul un dogme parvient à un tel résultat.
En somme, les Etats-Unis veulent rejouer la guerre froide à leur manière, avec leurs armes. Et les Chinois à la leur, avec les leur. Mais chacun sur un terrain différent. Des terrains qui avaient fait leur réussite et leur avaient permis de remporter leurs batailles décisives précédentes.
A Beijing, la priorité des priorités consite donc à répliquer les 40 années (1978-2018) des prétendues « réformes et d’ouverture » du pays. Non pas autour de mêmes modalités, mais à l’aide d’un même système et d’une idéologie qui est, selon l’élite dirigeante chinoise en place, arrivée à maturité. Y compris pour l’exportation.
Surtout, retrouver un équilibre économique avantageux, une osmose qui replonge le monde dans une perception ouatée et fragmentée de son système dual.
Si l’on devait qualifier la stratégie à l’œuvre, il faudrait sans doute bien davantage de développement, mais déjà quitter le domaine du concept même de stratégie, fondée sur un « jeu d’acteurs », déclinant des « feuilles de route » sur des « théâtres d’opération »…
Tout se noue et se dénoue désormais dans des couches « infra », et « supra » inexplorées de la pensée et de l’organisation des hommes et des sociétés. Les nouveaux rapports de forces ne seront plus systématiquement exprimés, les positions de forces resteront longtemps imaginées, les volontés – le caractère moral – se jugeront à l’épreuve des faits.
C’est un peu tout cela que l’on trouve en filigrane du « sous-texte » de notre note que nous soumettons à votre sagacité aujourd’hui.